- L’angoisse du désoeuvrement
- S’investir dans des activités qui comptent
- Organiser son temps librement
- L’angoisse de l’enfermement
- Gérer ses relations sociales plus sereinement
- Une période parfaite pour se réinventer
Depuis le début du confinement, des articles circulent sur les réseaux sociaux sur les difficultés que pourraient rencontrer les enfants atypiques en restant à la maison. Il est vrai que cloîtrer un ado porteur d’un TDAH (Trouble de Déficit de l’Attention avec Hyperactivité) lance de multiples défis aux parents au point que le site du Secrétariat d’Etat auprès des Personnes Handicapées a publié des conseils fournis par le Pr Delorme pour aider à gérer la situation.
En ce qui concerne les enfants à Haut Potentiel Intellectuel (HPI), les publications se sont surtout orientées vers des idées d’activités pour occuper ceux qu’on appelle les surdoués, principalement La Revue du Zèbre. Il faudrait donc occuper ces Zébulons au risque d’entrer en zone dangereuse ?
L’angoisse du désœuvrement
L’idée répandue sur un enfant HPI est qu’il faut occuper son cerveau constamment sous peine de le voir sombrer dans le désœuvrement. Il faudrait donc lui fournir de la matière de façon permanente comme un tonneau des Danaïdes qu’on ne pourrait jamais remplir. Mais l’enfant surdoué n’est pas un ogre. C’est plutôt un gourmet qui fait très souvent la fine bouche sur la qualité de sa nourriture intellectuelle et qui ne sera demandeur d’une autre portion que pour le mets dont il raffole.
En outre, quel serait le risque si un HPI venait à manquer de matière à absorber ? Comme tous les autres enfants, il serait confronté à l’ennui. Horreur ! Un surdoué qui s’ennuie à l’école se transforme rapidement en petit démon, tous les parents et tous les enseignants savent ça. Et pourtant, bien encadré, l’ennui est un territoire favorable au développement cognitif, émotionnel et créatif de chacun. Lire à ce sujet l’entretien de Philippe Meirieu donné au magazine Le Point en janvier 2018 : « Les merveilleuses vertus de l’ennui ».
Le cadre scolaire, notamment dans le second degré, ne prévoit pas de valoriser l’ennui de l’enfant en classe, mais à la maison ? S’ennuyer dans un milieu aussi confortable et sécurisant que son chez-soi peut devenir une opportunité pour s’adonner à son activité favorite, pour peu que l’enfant HPI ait pris conscience de ses aptitudes moteurs.
S’investir dans des activités qui comptent
Dans la dizaine d’heures d’éveil d’un enfant confiné, on peut facilement considérer qu’il bénéficie d’environ cinq heures de temps libre une fois ôtés les repas, la vie en famille et le travail scolaire. Cinq heures entièrement acquises pour faire ce que bon lui semble et si ce temps peut être source d’angoisse pour un parent qui sera immanquablement sollicité régulièrement pour fournir ou partager une activité (ce qui est indispensable, nous sommes d’accord), cette plage horaire est une bénédiction pour l’enfant.
Il y a tellement d’activités qu’il ne peut pas réaliser librement en période scolaire ! Cette fois-ci, il va pouvoir finir sa maquette d’Etoile de la Mort™ en Lego® (4000 pièces !) ou parvenir à trouver le bon pliage pour optimiser la portance de son F15 en origami (une bonne dizaine de tutoriels “Origami F15” en ligne). L’important est de l’aider à connaître ses aptitudes pour trouver son passe-temps favori. Pourvu qu’il en ait conscience, l’enfant HPI a surtout une qualité essentielle : la capacité de s’organiser seul car parmi les piliers d’un surdoué, le goût de l’autonomie est cardinal.
Organiser son temps librement
Ne nous méprenons pas, aucun enfant ou ado, surdoué ou non, ne se passera d’un cadre clair d’organisation avant l’âge de passer le bac (et encore !) Le rôle des parents régulateurs est essentiel car il est structurant. Parce qu’il se sent souvent en capacité de tout faire ou de tout apprendre à faire, un HPI peut se laisser entraîner dans une activité qui lui fera perdre la perception du temps très rapidement. Il n’est donc pas question de le laisser dicter son emploi du temps durant le confinement.
Mais, si certains d’entre nous s’y sont essayés, ils ont dû faire face sinon à des refus catégoriques de se plier à un cadre horaire rigide du moins à des grincements de dents très appuyés. Quand ce n’est pas tout simplement l’inertie pure et dure qui apparaît. La négociation semble la meilleure approche. Une autonomie d’organisation dans un cadre horaire structurant favorisera immanquablement son engagement, réduira d’autant tous les terrains d’affrontement et lui donnera des principes clairs pour structurer son temps personnel plus tard.
L’angoisse de l’enfermement
Autre crainte majeure du parent d’enfant surdoué : son isolement. La crainte de l’enfermement est plutôt celle du parent que celle du HPI car pour des raisons que je ne développerai pas ici, il est très pointilleux sur ses interactions sociales. La perspective d’être momentanément coupé de son groupe ne devrait pas l’angoisser outre mesure pour la bonne raison que cette situation lui permet d’être éloigné des sollicitations permanentes de ses pairs, sollicitations qu’il peut très souvent ressentir comme une obligation d’être conforme.
Comme tous, l’enfant surdoué a besoin d’appartenir à un groupe et il met en action sa grande capacité d’adaptation pour en faire partie. S’il a la chance d’avoir pu tisser un lien plus fort avec certains amis, cet isolement physique ne lui pèsera pas car il pourra rester en contact avec eux de manière plus facile.
Gérer ses relations sociales plus sereinement
En effet, la possibilité d’entretenir ses interactions sociales à distance présente certainement un avantage pour le HPI. Les messageries ou réseaux sociaux numériques lui permettent de temporiser sa participation à l’échange car son mode de pensée lui demande du temps pour trouver la réponse adaptée à la situation. Avec un ami proche, la discussion sera fluide car sa personnalité sociale ne provoque pas autant de questionnements qu’avec d’autres.
Sauf s’il a adopté une attitude qui le met en avant, dans un échange de groupe sur Instagram, Snapchat ou WhatsApp, le surdoué sera très souvent dans l’observation et le silence qui en résulte passera plus facilement inaperçu que s’ils étaient ensemble dehors. Bien entendu, la majorité des êtres humains ont besoin de contacts et d’interactions sociales pour leur équilibre et le HPI apprécie évidemment les moments de partage. Mais l’isolement forcé par le confinement ne pèsera probablement pas excessivement sur ses relations.
Une période parfaite pour se réinventer
Le confinement nous oblige à repenser notre organisation personnelle et familiale, notre mode de vie et nos activités. Cette période de sédentarité forcée questionne chacun de nous dans ses occupations. Il en est de même pour les enfants surdoués mais au regard de leurs aptitudes et de leur mode de fonctionnement cognitif, ils seront impacts différemment. Trouver un autre rythme, trouver des occupations nouvelles, entretenir ses relations par d’autres canaux, tout demande au surdoué de relever de nouveaux défis et c’est dans sa nature que de savoir se réinventer.
Il en profite pour se sentir avancer, progresser, évoluer, construire de nouvelles habitudes, découvrir de nouvelles activités et, au final, se découvrir. Voilà pourquoi il ne manifeste probablement aucune peur liée au confinement, à sa scolarité et à l’éloignement de son cercle social. Et pourvu qu’on prenne le temps d’en parler et de concevoir l’organisation du confinement avec lui, ça ne devrait pas être une période si angoissante que ça. Au contraire, il se pourrait que le HPI finisse par l’apprécier à tel point que le retour à la normale ne le tente plus trop. Mais c’est une autre histoire.