- La note est une « constante macabre »
- L’évaluation actuelle désavantage les enfants HP
- Peut-on supporter d’être l’intello de service ?
- Un dégoût pour l’écriture
- Une absence notable d’efforts
- Accompagner les progrès, encore et toujours
L’évaluation des élèves est un sujet central et primordial dans la scolarité. Il ne peut y avoir de progression sans faire le point régulièrement des acquisitions. Mais les notes chiffrées, système très prisé par les parents et, paradoxalement, par les enfants, peut être un vrai danger pour les élèves à Haut Potentiel. Je vous explique pourquoi.
La note est une “constante macabre”
En 2003, André Antibi, un enseignant de mathématiques, a publié un livre intitulé La constante macabre. Très connu du corps professoral, cet ouvrage développe l’idée qu’inconsciemment « les enseignants s’arrangent toujours, sous la pression de la société, pour mettre un certain pourcentage de mauvaises notes. Ce pourcentage est la constante macabre. »
Il énumère des raisons qui influencent l’attribution des notes : la pression entre enseignants, l’idée qu’un professeur qui ne met que des bonnes notes est laxiste, la crédibilité de l’établissement et la tendance à la sanction dans l’examen. Selon Antibi, ce mode d’évaluation mettrait des élèves en échec de façon artificielle.
Disons-le sans détour : la note chiffrée est un système d’évaluation particulièrement subjectif, fréquemment irrationnel, souvent démotivant et discriminatoire pour les enfants. Pour les élèves à Haut Potentiel, il peut s’avérer très néfaste pour de nombreuses raisons.
L’évaluation actuelle désavantage les enfants HP
L’évaluation normative reste la règle à l’école. Elle situe les enfants les uns par rapport aux autres dans un écart implicite à la norme que représente le savoir à maîtriser à un instant T. La forme d’évaluation la plus courante est appelée sommative : elle fait le point sur la maîtrise des connaissances accumulées. Un contrôle en fin de chapitre, par exemple. Ces deux caractéristiques produisent des effets négatifs pour les élèves à Haut Potentiel. On va voir pourquoi.
Peut-on supporter d’être l’intello de service ?
Pour peu que l’enfant s’investisse un minimum dans sa scolarité, il reçoit assez facilement des bonnes notes. Ces résultats plutôt brillants, obtenus, nous allons le voir, avec peu d’efforts comparés à d’autres, le stigmatisent comme un “intello”, un “fayot” ou un “chouchou”.
Cet ostracisme peut être très perturbant, surtout à l’entrée au collège où les notes prennent leur importance. Le petit HPI peut très mal vivre cette mise à l’écart et ressentir un vrai conflit de loyauté entre obéir à l’injonction de réussite des parents et son besoin d’avoir des copains. Certains enfants décident parfois de ne pas fournir le travail scolaire demandé pour échapper à la stigmatisation. On assiste alors à un phénomène de “sous-réalisation” où les résultats sont très en deçà des capacités, phénomène qui provoque des redoublements dévastateurs pour les HP et des échecs scolaires dans les classes de lycée.
Un dégoût pour l’écriture
Ce sujet est encore peu documenté mais il semblerait que les enfants HP éprouvent des difficultés et des réticences à écrire (en dehors des troubles de dyspraxie avérés.) Ils prennent peu de notes en cours, parce que leur mémoire est excellente, et ressentent que leur habilité manuelle est plus lente que leur agilité mentale.
Les évaluations en France sont largement basées sur des productions écrites, ce qui les pénalise. Les élèves “surdoués” doivent se forcer pour rédiger de manière construite tant la méthode leur semble fastidieuse. Leur perfectionnisme et leur tendance à la procrastination ne leur facilitent pas non plus la tâche…
Une absence notable d’efforts
Le piège le plus fréquent pour un élève à Haut Potentiel qui décide de participer à sa scolarité est l’absence d’efforts. Cet effet secondaire, mais pas anodin, de leurs bons résultats obtenus sans forcer est relevé depuis plusieurs années par les médecins spécialisés dans le suivi des HP.
Le découragement qui produit un manque de persévérance va poser des difficultés importantes dans les classes supérieures où la nature de la production personnelle est plus élaborée et demande plus d’investissement.
Accompagner les progrès, encore et toujours
Que faire, face à tous ces dangers qui guettent l’enfant HP ? La réponse est simple et complexe : être présent à tous les instants parce qu’il a besoin d’être encadré, rassuré, défié pour exprimer son potentiel sans tomber dans les pièges.
Les enfants hauts potentiels peuvent avoir la maturité pour prendre des décisions grâce à leur plus grande lucidité mais ils ont besoin d’être bien encadrés pour leur expliquer leurs erreurs. Ils sont moins autonomes qu’ils le laissent penser.
L’excellent ouvrage d’Olivier Revol, Roberta Poulin et Doris Perrodin “100 idées pour accompagner les enfants à haut potentiel” fournit de nombreuses pistes pour répondre aux besoins de suivi rapproché des HPI.
Bien entendu, le dialogue avec les enseignants, certainement plus simple à l’école primaire, doit pouvoir lever les incompréhensions mutuelles. Même si des stéréotypes ou des blocages sont encore fréquents.
Pour éviter l’ennui et l’absence de persévérance, il est conseillé de favoriser le dépassement de soi avec des travaux d’approfondissement dans les sujets favoris. Soutenir une passion en réclamant que l’enfant en parle en famille est un bon signal pour son investissement personnel.
Utiliser la meta-cognition
Enfin, il y a une activité très prisée par les HP une fois qu’ils en ont pris l’habitude. Installer des réflexes de meta-cognition est bénéfique pour la persévérance et l’appétence scolaire. Il s’agit pour l’enfant de se voir apprendre, de réfléchir à ses processus d’apprentissage. Un premier exercice simple est de lui demander de raconter une consigne : “quel est le résultat final attendu dans l’exercice et comment vas-tu t’y prendre pour y arriver ?” Demander à l’enfant de décrire son cheminement mental dans ses activités intellectuelles l’aide à prendre conscience de ses méthodes d’apprentissage et à les ancrer dans le temps.
Sous-performance, mise à l’écart, découragement, les notes chiffrées cachent de nombreux pièges pour les enfants Hauts Potentiels. En avoir connaissance et leur en parler avec sincérité peut les prémunir. Un parent averti en vaut deux et un parent lucide en vaut certainement trois. Les enfants HP sont tout à fait capables de comprendre les dangers qui les guettent à l’école. Ils vous seront reconnaissants d’être toujours là pour les accompagner sur le chemin caillouteux de leur apprentissage.