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Harcèlement : comment améliorer sa prise en charge par l’école.

Le terme “harcèlement scolaire” est partout. Parce qu’il est à la mode mais surtout parce qu’il permet de caractériser facilement un conflit récurrent entre enfants. Mais les amalgames autour du harcèlement empêchent souvent de trouver une issue favorable au harcèlement. Comment améliorer sa prise en charge par l’école ?

Nous sommes passés d’une période où les échauffourées entre élèves étaient normales à l’école à une phase où chaque incident peut dégénérer en poursuite judiciaire. On disait : « ils sont jeunes, il faut bien qu’ils se défoulent ». Les victimes des enfants méchants étaient traumatisés. On les trouvait presque “fragiles”.

Maintenant, tous les conflits ou presque sont du harcèlement et il faudrait déclencher un conseil de discipline à chaque affaire. Non pas qu’il faille laisser passer ou laisser faire. Le “harcèlement scolaire” est caractérisé précisément parce qu’il est traumatisant. Il existe aussi d’autres conflits au sein des établissements scolaires.

Trois types de conflits à l’école

Le harcèlement

Centre de l’attention du Ministère de l’Education Nationale depuis 2013, le harcèlement scolaire est un fléau pour l’école et pour les élèves, non seulement pour le climat scolaire de l’établissement mais encore plus pour les dégâts qu’il occasionne dans le développement psycho-affectif des victimes. Cet article sur le site de PedagoJ décrit clairement ce phénomène. Je n’y reviendrai donc pas en détail. Retenons juste que le motif principal du harceleur est un besoin de domination et qu’il choisit sa victime non pour sa différence mais pour sa vulnérabilité. Peut-on alors appeler “harcèlement scolaire” toutes les moqueries répétées ou toutes les intimidations ? Clairement : non. Il existe d’autres types de conflit dans les établissements. 

La discrimination

La discrimination est le fait d’opérer une distinction concernant une personne sur la base de son origine sociale, sa religion, son genre, son intelligence, etc. Creuset social par excellence, l’Ecole de la République accueille tous les enfants, de toute origine ethnique ou sociale, filles comme garçons, de toute religion et, progressivement depuis la loi du 11 février 2005, quel que soit leur handicap. Les motifs de discrimination sont donc très nombreux au sein des établissements scolaires et c’est justement par cette volonté de faire se côtoyer tous les futurs citoyens que l’Ecole œuvre pour la tolérance. La moquerie peut donc être le signe d’une discrimination qui ne dit pas son nom. 

Les conflits du quotidien

Enfin, par son organisation et par son ouverture, l’Ecole est souvent considérée comme un modèle miniature de la société. Elle n’échappe donc pas aux tiraillements dans les relations sociales et ces “frottements” entre les personnalités de chacun produisent, comme dans le monde des adultes, des conflits du quotidien, bénins, ponctuels, éphémères. C’est la fâcherie parce que le copain n’a pas voulu faire équipe en sport ou parce que la copine préfère passer du temps avec d’autres, par exemple.

Fréquemment causés par la frustration ou la contrariété, ces conflits donnent souvent lieu à des mots qui vont faire mal, volontairement, et le plus souvent, sur la base du physique ou de la réussite. Mais il ne s’agit pas d’un rejet de l’autre parce qu’il est différent, parce qu’il fait peur ou qu’il questionne l’ordre des choses.

Pourquoi les différencier ?

Soyons clairs : ces trois types de conflit sont néfastes pour l’envie d’aller à l’école. Qui n’a jamais vu son enfant se plaindre de maux de ventre un dimanche soir ou à l’approche de l’heure de partir le matin ? Notre sang de parent ne fait alors qu’un tour et nous imaginons tout de suite le pire derrière ces murs où nous ne sommes pas présents pour les protéger. Si, dans tous les cas, le résultat est le même sur l’appétit d’apprendre, pourquoi chercher à préciser le type de conflit que vit l’enfant ?

D’abord parce que mettre des mots précis sur les choses a deux bénéfices pour l’enfant : envoyer un signal crédible qu’on ne banalise pas son inquiétude. Il est important, à ce stade, de faire raconter ce qui se passe et, pour ouvrir le dialogue, je conseille de commencer par la simple question : quelle est l’émotion que tu ressens ?

Avec la verbalisation, c’est la compréhension du monde qui se met en place pour l’enfant. Le second bénéfice est de lui fournir une feuille de route pour décrypter ses futures angoisses de l’école. Accompagné par un parent qui cherche et décrit les faits, il se forge une autonomie émotionnelle dont il aura lui-même besoin en tant qu’adulte. Vous faites ainsi de cet événement pénible une source de progression personnelle qui va transformer le désagrément en satisfaction : ce qui ne me tue pas me rend plus fort, dit le dicton.

S’il s’agit d’un conflit du quotidien, votre explication avisée de parent suffira souvent à fournir les outils pour y remédier et, si nécessaire, l’école saura compléter votre intervention. Dans le cas d’une discrimination ou d’un harcèlement caractérisé, alors il faut se tourner vers les personnels de l’établissement. Grâce à votre questionnement préalable, vous aurez donc des faits à présenter pour entamer la résolution ensemble.

Comment aider l’école à mieux résoudre le conflit ?

La logique de traitement des incidents par l’école échappe souvent aux familles. Premièrement, parce qu’il y a une divergence d’échelle entre la régulation de toute une population scolaire — plusieurs centaines d’enfants — et le besoin d’accompagnement individuel réclamé par les parents. Deuxièmement, parce qu’un décalage d’expérience existe entre les personnels qui font face à des incidents quotidiennement et les familles qui sont plus rarement confrontés à un conflit pour leur enfant.

Ajoutons à cela que la mise en lumière du mot “harcèlement” par le législateur a produit un effet secondaire compliqué pour les éducateurs. En effet, le harcèlement scolaire peut prendre toutes les formes de moquerie, y compris quand il s’agit de discrimination ou de conflit du quotidien. Les familles sont donc tentées d’utiliser le terme de manière générique pour décrire ce que vit leur enfant.

Un protocole de résolution du harcèlement

De leur côté, depuis 2013, les personnels de direction ont reçu des consignes très précises du Ministère pour prévenir et traiter le harcèlement, et notamment une procédure de résolution très complète mais lourde à mettre en œuvre qui implique de nombreux corps de métier de l’école : directeur, enseignant, CPE, infirmière, assistante sociale, psychologue de l’Education Nationale, etc. Cela explique principalement pourquoi, face à une plainte pour harcèlement d’un parent, leur première réaction paraît presque toujours insuffisante. La raison en est qu’ils temporisent pour évaluer la réalité de la situation. Voilà pourquoi la présentation de faits précis est le meilleur moyen de caractériser le conflit, donc d’élaborer conjointement les actions à engager pour aider l’enfant à sortir du conflit.

S’il s’agit de discrimination, un travail en groupe pourra permettre de favoriser la tolérance. Un conflit du quotidien trouvera sa résolution dans une médiation par les pairs ou en présence d’un adulte de l’école. Je vous conseille à ce sujet la page du réseau Canopé. Dans tous les cas, un premier travail d’enquête et d’analyse du conflit par les parents profitera grandement à la nécessaire collaboration avec les professionnels de l’établissement scolaire : on évitera ainsi les réticences liées au mauvais usage du terme de harcèlement et le travail éducatif pourra s’engager plus rapidement et plus efficacement.

Co-éduquer avec le conflit

Face aux inquiétudes de son enfant pris dans un conflit à l’école, la première réaction de parent est naturellement la colère et le besoin de justice. Mais répétons-le : pour résoudre la situation, on a besoin des professionnels de l’école parce qu’ils ont le savoir-faire et l’expérience. Et rien ne se fera efficacement sans une collaboration entre les familles et les personnels. L’école représente la parole du collectif, les règles du vivre ensemble en situation réelle, ainsi qu’un modèle réduit de système judiciaire.

Il y a un double enjeu dans tout conflit en milieu scolaire : la construction d’un cadre individuel de comportement pour bien grandir et le confrontation avec un cadre social plus grand pour trouver sa place. Cela suppose que chacun participe à la résolution du conflit à la hauteur de ses moyens. Pour un parent, cela signifie dialoguer avec son enfant pour connaître des faits et être en mesure de qualifier la nature du problème : conflit du quotidien, discrimination ou harcèlement ? Ainsi, l’élève pourra voir que tous les adultes, parents et éducateurs, sont mobilisés ensemble. Mais à leur place respective pour participer à son éducation.

J’en ai fait l’expérience. A chaque fin de réunion avec les parents, que ce soit pour résoudre un conflit ou pour améliorer sa réussite scolaire, je demandais à l’enfant de nous rejoindre pour qu’il entende une voix commune. Il voyait ainsi parents et école dans un accord sur le sujet. Croyez-moi, c’est rassurant pour lui de se sentir ainsi entouré.

On voudrait que l’école soit plus incisive, plus expéditive, plus radicale. Mais la justice des hommes en société n’est pas expéditive.  Elle réclame des faits, des détails, des précisions pour aller au fond des choses et éviter la récidive. Quand on est parent de victime scolaire, ce n’est pas simple mais il faut dépasser le premier stade et entrer dans la collaboration constructive avec l’école. C’est se rendre un service commun. A terme, c’est rendre service à notre enfant. Le conflit sert aussi à éduquer.

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