La parentalité d’un enfant HPI n’est jamais un long fleuve tranquille. Elle invite, souvent brutalement, à sortir des schémas classiques. À s’écarter des normes. À se regarder soi-même. Et parfois, ce chemin ne se fait pas à deux.
Dans de nombreuses familles que nous accompagnons, un parent se mobilise pendant que l’autre résiste. Ou se désengage. Ou minimise. Ou doute. Cela crée une tension supplémentaire dans une dynamique éducative déjà complexe.
Cet article ne vise pas à blâmer. Mais à éclairer. À mettre des mots sur ce que vivent tant de parents seuls à porter l’entièreté de la charge éducative, émotionnelle, administrative, logistique, relationnelle. Et à tracer quelques pistes possibles pour se positionner, même quand la co-construction semble impossible.
Quand l’écart devient rupture
Au départ, il y a parfois une différence de rythme : l’un des deux parents s’interroge plus tôt, perçoit des signaux faibles, entame une démarche d’évaluation, lit, cherche, s’implique. L’autre doute, freine, ou fuit.
Mais dans certaines situations, la différence ne relève plus du décalage. C’est un désalignement profond de vision éducative.
Là où l’un cherche à comprendre, l’autre exige que l’enfant obéisse.
Là où le premier accueille l’émotion, l’autre y voit un caprice.
Là où il ou elle prend le rendez-vous chez un professionnel, l’autre parle d’exagération.
Le conflit ne porte pas que sur le comment. Il finit par toucher le pourquoi. Le sens. L’enfant devient alors le théâtre d’une guerre froide parentale. Et parfois, d’une guerre tout court.
Quand le lien éducatif repose sur un seul pilier
Face à cette dissonance, beaucoup de parents HPI vivent un double épuisement : celui d’éduquer un enfant intense, et celui de devoir le faire sans appui. Ou pire, contre les contre-messages d’un autre adulte.
C’est d’autant plus complexe lorsque l’autre parent exerce une forme d’autorité symbolique : plus à l’aise à l’oral, plus reconnu socialement, plus charismatique… Le parent porteur de la singularité de l’enfant se retrouve alors à devoir justifier, prouver, négocier, demander.
Et parfois, ce parent renonce, par lassitude, par peur du conflit, par isolement.
Mais ce renoncement a un prix : il installe l’enfant dans une dissonance éducative permanente, où les règles changent selon les lieux, les figures, les moments.

Tenir seul(e), sans s’épuiser
Quand la co-éducation ne se fait pas à deux, elle peut encore se faire à une seule personne lucide, cohérente et stable.
Cela demande de :
- poser un cadre éducatif clair, même unilatéral ;
- éviter les contre-discours sur l’autre parent, sans pour autant renier ses propres convictions ;
- créer des espaces-ressources pour ne pas s’isoler ;
- s’autoriser à ne pas compenser pour deux.
Le parent “en conscience” n’a pas à devenir parent “total” ou une expert HPI. Il peut poser une ligne éducative cohérente et respectueuse, sans attendre la validation de l’autre. Ce n’est pas optimal. Mais c’est souvent suffisant pour sécuriser l’enfant.
Le rôle des tiers de confiance
Quand le conflit devient lourd, ou que la parole ne passe plus, il est parfois nécessaire d’avoir recours à un tiers neutre :
- médiateur familial ;
- thérapeute ;
- enseignant référent de l’enfant ;
- ou tout autre professionnel capable de soutenir sans diviser.
Paradoxalement, il arrive que l’autre parent entende mieux un discours extérieur, que celui, trop chargé, de son propre conjoint.
Mais il faut aussi accepter cette réalité difficile : on ne convainc pas toujours. Même avec les meilleures intentions, avec des preuves ou même avec amour.
Le cap éducatif : un vrai chemin, même seul(e)
La parentalité atypique repose sur une boussole intérieure, pas sur l’approbation et pas sur la symétrie parfaite. Mais sur l’ancrage dans une intention éducative alignée : sécuriser, comprendre, accompagner, faire grandir.
Si l’autre parent ne suit pas, le cap peut rester stable et l’enfant, malgré la complexité, saura repérer ce point fixe, ce repère fiable, cet adulte qui ne cède pas aux colères ni aux doutes, mais qui tient la barre avec lucidité.
Trois questions pour aller plus loin :
- Quelle part de votre énergie éducative est mobilisée pour compenser l’absence de l’autre ?
- Etes-vous en train de protéger mon enfant, ou de surcompenser ce que vous ne contrôlez pas ?
- Qui pourrait vous aider à ne pas porter cette charge seul(e) ?


