Quand un adolescent HPI va mal, ce n’est jamais anodin. Mais c’est souvent pris en compte trop tard.
Parce qu’il fonctionne, qu’il ne dérange pas. Parce qu’il garde le sourire, ou le silence. Parce que l’environnement s’est habitué à son adaptation, sans toujours voir ce qu’elle lui coûte.
Alors on agit quand ça craque, quand la fatigue devient un effondrement. Parfois, quand la phobie s’installe, quand la rupture scolaire ou identitaire est déjà là.
Mais le vrai enjeu est ailleurs. Il est dans ce qui a précédé. Il est dans ce qu’on aurait pu voir, entendre, ajuster, nourrir. Avant.
Penser la prévention autrement
La prévention ne consiste pas à mettre des filets en bas de la falaise. Elle consiste à éviter que l’adolescent s’en approche en déséquilibre. Chez les jeunes HPI, cela suppose de reconnaître que leur fonctionnement est exigeant, fragile parfois, non parce qu’il est déficient, mais parce qu’il est intensément sollicité.
Prévenir, c’est construire un écosystème de soutien qui allège la pression, renforce les repères, légitime les ressentis et autorise la singularité. Un environnement où l’on peut être soi, sans devoir compenser en permanence.
Ce qu’il faut mettre en place, avant que ça lâche
Le lien, d’abord. Pas un lien imposé. Un lien ajusté, sécurisant, qui n’évalue pas. Un adulte ressource, un groupe d’affinité, une relation miroir dans laquelle le jeune peut exister sans se justifier. Ce lien-là ne soigne pas. Il stabilise. Et parfois, il sauve.
Le sens, ensuite. Les adolescents HPI ont besoin d’un cadre explicite, mais surtout d’une direction. D’un pourquoi, d’une cohérence interne et externe. Quand tout devient mécanique ou absurde, le désengagement n’est pas une fuite : c’est une protection.
Le rythme, aussi. Non pas un ralentissement artificiel, mais l’alternance. Des temps d’intensité, mais aussi des temps vides, non productifs, non évalués. Du silence, de la lenteur choisie, du rien sans culpabilité.
L’authenticité, toujours. Moins de masques. Moins de faux-self. Moins de suradaptation. Davantage de droit au doute, à l’imperfection, à l’erreur. Donner plus de place pour dire “je” sans danger.
La validation émotionnelle, enfin. Pas celle qui dramatise, celle qui accueille, qui permet à un adolescent de dire ce qu’il ressent sans être corrigé, ni calmé, ni contredit. Un adulte qui ne cherche pas à réparer, mais à écouter ce qui est là.
Ce qui joue un rôle structurant
Les pairs, quand ils sont choisis, compréhensifs, et qu’ils fonctionnent eux aussi à haute intensité. Pas forcément HPI, mais capables de comprendre sans juger.
Les adultes stables, sans rôle d’évaluation, sans attente implicite de performance. Parfois un professeur bienveillant, parfois un coach, parfois un oncle, une marraine, un psy, un mentor.
Et puis surtout, des temps de respiration. Des espaces où l’on peut être, sans produire. Où le jeune n’est pas attendu sur ce qu’il apporte, mais reconnu pour ce qu’il est.
La santé mentale ne se joue pas dans la crise
Elle se joue en amont, dans la manière dont le monde accueille — ou n’accueille pas — la complexité cognitive, émotionnelle et relationnelle du jeune.
Tant que le fonctionnement HPI est ignoré, minimisé ou mal compris, la remédiation restera nécessaire. Mais dès que ce fonctionnement est reconnu, valorisé sans idéalisation, et soutenu dans ses fragilités, la prévention devient possible.
Construire une santé mentale durable, c’est apprendre à poser les bonnes questions avant que le mal-être impose ses réponses. C’est ne pas attendre l’effondrement pour ajuster les postures, les cadres et les liens.
Le soin commence bien avant la souffrance.
