Quand on devient parent, la plupart du temps, on s’imagine changer de statut et rentrer dans le rôle qu’on a vu chez ses propres parents, chez les parents de nos amis ou chez nos amis avec enfants. L’enjeu premier est : je veux être un bon parent, avec toutes les représentations que cela signifie.
Puis, un jour, pour certains, on découvre que notre enfant n’est pas un enfant “comme les autres”. Parce qu’il a un QI élevé, un trouble cognitif, une pathologie. Ou parce qu’on découvre son propre profil et qu’il est héréditaire, comme le HPI. Ce jour-là, on n’est plus un parent “comme les autres” — et on s’aperçoit qu’on ne sait pas forcément quel parent devenir.
C’est le moment où il s’agit de construire une parentalité atypique.
La série d’articles des prochaines semaines a pour objectif de guider votre réflexion pour avancer dans cette construction. Lucidement et sereinement.
Des schémas classiques inopérants
Dans les grandes lignes, les schémas d’éducation classique ne répondent pas aux besoins des enfants HPI. Pas parce qu’ils sont « plus intelligents », « mal élevés », « ingérables » ou « provocateurs ». Mais parce qu’ils fonctionnent autrement. Parce qu’ils ressentent intensément, pensent vite, questionnent tout. Parce qu’ils sont HPI, et que cette différence invisible vient heurter de plein fouet nos automatismes éducatifs.
Chez beaucoup de parents, cette prise de conscience prend plusieurs années de lutte silencieuse, de déni inconscient. Les routines ne tiennent pas. Les crises surgissent à contre-temps. L’école alerte, la fratrie remue, les parents s’épuisent. Et ce qui fonctionne “chez les autres” semble inefficace.
« On a tout essayé. »
Quand je reçois des parents, c’est souvent par cette phrase que commence l’accompagnement. Tentatives d’autorité, négociation, bienveillance à toute épreuve, sanctions, contrats, récompenses, culpabilité, lectures, forums, rendez-vous médicaux… tout y passe. Mais rien ne tient.
Et pour cause. Le cadre classique ne peut pas contenir un enfant qui ne fonctionne pas classiquement.
Le HPI, ce n’est pas “juste un peu plus intelligent”. C’est une autre manière de traiter l’information, de ressentir, de se positionner dans le monde. Et quand on applique une parentalité standard à un enfant atypique, on provoque, sans le vouloir, des effets secondaires : perte d’estime, sentiment d’injustice, repli, colère rentrée, suradaptation.
L’enfant s’adapte. Le lien se fissure.
Face à ce décalage, si le noyau parental éducatif n’a pas opéré une transformation, deux options s’installent souvent : l’enfant entre en opposition frontale, ou bien il développe un faux-self. Il devient l’enfant que les adultes attendent, au prix de sa vitalité. Il se coupe de lui-même pour préserver le lien. Ce mécanisme de survie est redoutablement efficace… jusqu’à ce qu’il ne le soit plus. C’est le chemin vers un burn-out scolaire ou émotionnel.
Les parents, eux aussi, s’adaptent. Par épuisement, par amour, par désespoir parfois. Mais lorsque l’on s’adapte à répétition sans poser de sens, on finit par douter de soi, perdre pied, se déconnecter.
Alors, on tente une autre voie.

Au-delà de la bienveillance, une question de lucidité.
Construire une parentalité atypique, ce n’est pas “faire encore plus d’efforts” ni “laisser faire”. C’est déconstruire une partie de ce que l’on croit être un “bon parent”, pour reconstruire une posture juste face à un enfant qui appelle autre chose.
Cela demande du courage. De la nuance. Et une capacité à se remettre en question sans se flageller. Car il ne s’agit pas d’avoir tout bon, mais de réapprendre à écouter, à observer, à comprendre ce qui se joue au-delà des comportements.
Ce premier article ouvre un cycle. Non pas pour vous donner des recettes, mais pour penser ensemble cette parentalité hors-norme, ses vertiges et ses forces, ses points de rupture et ses points d’appui.
Parce que si le modèle ne fonctionne pas, ce n’est pas que vous faites mal. C’est qu’il faut certainement oser en créer un nouveau.
Pour aller plus loin de votre côté :
- Quelles croyances éducatives m’ont été transmises et que je n’ai jamais questionnées ?
- Quelle émotion revient le plus souvent quand je pense à mon rôle de parent ?
- À quel moment me suis-je senti démuni face à mon enfant, sans oser le dire ?