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Pourquoi certains enseignants redoutent les élèves HPI

Dans beaucoup d’écoles, le mot HPI provoque encore une crispation de la part des personnels. Pourtant, la plupart ne rejettent pas ces élèves. Ils redoutent probablement autre chose : le déséquilibre que cela peut créer dans la classe, dans leur autorité, dans leur sentiment de compétence.

Cet article s’adresse autant aux parents qu’aux enseignants : aux premiers, pour leur donner des clés de lecture ; aux seconds, pour reconnaître qu’il est normal de se sentir parfois déstabilisé par un élève qui pense différemment.

Comprendre ces craintes ne revient pas à les excuser. Cela permet de mieux saisir ce qui bloque la relation entre l’école, l’enfant et la famille.

L’école a peur de ce qu’elle comprend mal

Le système scolaire repose sur la norme : enseigner à la moyenne, faire progresser un groupe homogène, évaluer de manière standardisée. Un élève HPI échappe à cette logique. Il comprend vite, saute des étapes, interroge la consigne ou l’intention. Ce n’est pas de l’impertinence, c’est une pensée qui bifurque.

Pour un enseignant, cette déviation du rythme collectif peut être déstabilisante. Elle vient heurter un équilibre qu’il doit maintenir chaque jour, souvent dans des conditions complexes. Le HPI met en lumière la diversité cognitive et cette diversité, l’école peut la redouter parce qu’elle n’y est pas suffisamment préparée.

La peur de perdre la maîtrise de la classe

Gérer une classe, c’est tenir un équilibre fragile. Quand un élève anticipe les réponses, contredit une explication ou manifeste son ennui, cela bouscule la dynamique du groupe.
L’enseignant se retrouve alors face à un dilemme : freiner l’enfant pour préserver la cohésion ou le laisser avancer au risque de désynchroniser la classe.

Cette tension use. Elle conduit parfois à une attitude de retrait, à simplement ignorer la différence comme si ce n’était pas un facteur de réussite important. Certains enseignants préfèrent considérer que “l’élève est intelligent, il saura bien s’adapter”.

Ce choix d’évitement n’est pas un signe d’indifférence, mais une manière de se protéger. Il repose sur une idée fausse : que l’intelligence suffira à tout compenser. En réalité, c’est souvent ce déni tranquille qui abîme le plus. Car un élève HPI non reconnu dans son fonctionnement finit par se couper du sens, voire de l’école.

La peur d’être injuste ou accusé de favoritisme

Adapter la pédagogie à un élève HPI suppose de lui accorder un espace différent : un rythme plus rapide, un approfondissement, une autonomie plus large. Mais dans un système obsédé par l’équité, cette adaptation peut être perçue comme une faveur.

L’enseignant craint de froisser les autres parents ou de perdre la confiance du groupe.
Alors, il choisit souvent la neutralité, pensant protéger l’égalité. Mais traiter tout le monde pareil, ce n’est pas toujours être juste. L’égalité sans nuance devient une forme d’injustice quand elle nie les besoins singuliers.

La résonance personnelle de l’enseignant

Certains enseignants se reconnaissent dans ces enfants rapides, sensibles, lucides. Leur curiosité, leur perfectionnisme, leur besoin de sens réveillent quelque chose de familier.

Ce type de rencontre n’est pas anodin. Quand un élève agit comme un miroir, il renvoie l’adulte à sa propre histoire avec le savoir, l’autorité, la conformité.

Chez certains enseignants, cela peut susciter une forme d’admiration ; chez d’autres, un malaise discret parce que voir un enfant s’autoriser à penser librement, c’est parfois se rappeler qu’on a peut-être soi-même dû renoncer à cette liberté.

Alors, sans en avoir conscience, l’adulte cherche à transmettre non pas ce qu’il enseigne, mais ce qu’il a appris de plus dur : comment se contenir, comment se fondre, comment ne pas déranger.

Le message implicite devient : « J’ai dû m’adapter, tu le peux aussi. »

Mais ce message, reçu par un enfant HPI, sonne comme une injonction paradoxale : « Sois toi-même, mais pas trop. »

Cette tension-là est profondément humaine. Elle ne parle pas d’un manque de bienveillance, mais d’une résonance trop forte. Et quand l’émotion affleure — admiration, agacement, impuissance — le risque est de perdre la distance professionnelle nécessaire pour comprendre ce que vit l’enfant.

Ce n’est pas un défaut de compétence : c’est un effet miroir.

Transformer la peur en dialogue

Comprendre ces mécanismes ne veut pas dire tout accepter. Cela permet simplement d’aborder les échanges autrement. Plutôt que d’arriver avec un dossier ou un discours, il est souvent plus utile de reconnaître la complexité de la situation :

“Je me doute que ce n’est pas simple de gérer des profils si différents. Nous cherchons seulement à ce que notre enfant puisse rester engagé. D’après vous, qu’est-ce qui serait efficace ?”

Ce type de posture qui demande un avis d’expert dit à l’enseignant : “Je ne viens pas réclamer. Je viens coopérer.”

Sauf à camper sur des positions idéologiques personnelles, les enseignants ne redoutent pas fondamentalement les enfants HPI. Ils redoutent ce qu’ils représentent : la complexité, l’imprévisibilité, la nécessité d’adapter dans un système qui n’en a plus les moyens. Reconnaître ces craintes, c’est déjà désamorcer le conflit.

Parce qu’entre les enseignants, les parents et les enfants, il n’y a pas d’adversaires, seulement des personnes qui essaient, chacune à leur place, de faire au mieux dans un cadre qui ne leur ressemble pas tout à fait.

La prochaine étape nécessaire est d’apprendre à communiquer avec une école qui ne comprend pas toujours. Rendez-vous dans le prochain article.

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