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Le risque de pathologisation des ados HPI

Quand un adolescent HPI commence à aller mal, la machine à interpréter s’enclenche rapidement. Et dans cette course au sens, le risque est grand de poser un diagnostic avant d’avoir vraiment écouté.

Un mal-être prolongé, une baisse de motivation, une rupture dans les liens sociaux, un retrait ou une réactivité émotionnelle inhabituelle… tous ces signes peuvent conduire à une consultation. C’est une bonne chose, en apparence. Mais encore faut-il que cette consultation tienne compte du fonctionnement cognitif spécifique de l’adolescent. Car un HPI qui va mal ne va pas comme les autres. Et un HPI qui s’adapte peut passer pour quelqu’un qui va bien.

Ce n’est pas toujours ce qu’on croit

La souffrance des adolescents à haut potentiel est souvent mal lue. Elle peut prendre les traits d’une anxiété généralisée, d’un début de phobie scolaire, d’un trouble du spectre autistique, voire d’un épisode dépressif atypique. Dans certains cas, plusieurs diagnostics s’empilent, chacun essayant d’expliquer une facette de ce qui est en fait un décalage structurel entre l’environnement et le fonctionnement.

Chez ces jeunes, l’intensité, la pensée en boucle, la saturation émotionnelle ou la distance sociale ne relèvent pas forcément d’un trouble. Ce sont souvent des mécanismes de régulation, des formes d’auto-protection face à un monde vécu comme flou, exigeant, ou contradictoire.

Quand l’intelligence masque la souffrance

Ce qui complique encore le repérage, c’est que le profil HPI est souvent perçu comme protecteur. On croit, à tort, qu’un adolescent intelligent saura s’en sortir, qu’il saura dire ce qui ne va pas, ou qu’il exagère ses difficultés. Mais chez ces jeunes, la capacité à verbaliser ne signifie pas qu’ils se sentent compris. Et le calme apparent ne signifie pas qu’ils vont bien.

Certains adolescents développent une forme de suradaptation silencieuse. Ils adoptent un langage abstrait, théorique, très contrôlé. Ils parlent de ce qu’ils pensent, mais pas de ce qu’ils ressentent. Ils donnent l’impression de recul, mais c’est parfois une forme de dissociation douce. Un sourire poli, un regard maîtrisé, une présence attentive… tout semble à sa place. Et pourtant, rien ne circule.

Signaux faibles d’un glissement

Dans les accompagnements que je mène, plusieurs indicateurs reviennent, discrets mais récurrents :

  • une chute soudaine de l’intérêt intellectuel, alors que la curiosité était vive ;
  • une rigidité mentale nouvelle, là où la pensée était souple et divergente ;
  • une auto-censure dans les idées : « Je préfère ne pas le dire, on ne comprendra pas » ;
  • une verbalisation abstraite excessive, comme si parler de soi devenait trop risqué.

D’autres adolescents se replient dans un domaine unique : manga, musique, jeux vidéo, sport intensif… Non pas par passion uniquement, mais pour éviter tout le reste. Le monde réel devient trop exigeant, trop illisible. Alors ils se réfugient dans un ailleurs qu’ils maîtrisent.

Parfois, ces jeunes finissent par dire : « Je sais que je devrais aller mieux, mais je ne sais pas comment. » Ou bien ils ne disent finalement plus rien du tout et ferment les écoutilles.

Une autre façon d’accompagner

Le problème n’est pas d’accueillir un adolescent HPI en souffrance. Le problème, c’est de systématiquement chercher une étiquette avant de comprendre la structure. Un diagnostic peut parfois soulager et mettre un mot sur une douleur floue. Mais trop souvent, il enferme et explique sans relier. Il rassure les adultes sans alléger l’adolescent.

C’est pourquoi la psychoéducation est une clé majeure. Il ne s’agit pas de “défendre le HPI” contre les diagnostics, mais de rappeler que tout diagnostic doit être recontextualisé à un fonctionnement cognitif atypique.

Cela passe par :

  • une compréhension fine du profil HPI dans sa complexité (et pas seulement un score de QI ou une précocité scolaire) ;
  • des espaces de parole différenciés, où la performance n’a pas sa place ;
  • une dépathologisation active de l’accompagnement, qui ne transforme pas chaque émotion en symptôme, ni chaque silence en fuite.

Ce que l’adolescent attend, sans le dire

Ce que ces jeunes attendent, ce n’est pas d’être définis. C’est d’être rejoints. Ils ne cherchent pas une réponse immédiate, mais un cadre stable où ils peuvent explorer leur propre fonctionnement sans se sentir jugés, classés ou réduits.

Ils ont besoin qu’on cesse de les évaluer, même avec bienveillance.
Ils ont besoin qu’on écoute ce qui est dit… et ce qui ne l’est pas.
Ils ont besoin de temps. Pas de pression thérapeutique. Pas de « solution ».

Accompagner un ado HPI en souffrance, ce n’est pas cocher une case dans la liste des maladies. C’est ouvrir un espace où il peut être autrement.

Et parfois, c’est l’absence de diagnostic qui fait le plus de bien.

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