Cet article fait partie d’une série sur la blessure de rejet chez les personnes HPI.
Article précédent : « Pourquoi le HPI dérange : mécanismes psychologiques du rejet«
Grandir avec le sentiment d’être “à côté” laisse des traces. Pour beaucoup d’adultes à haut potentiel, les blessures liées au rejet ne sont pas spectaculaires. Elles sont diffuses, silencieuses, durables. Elles ne s’expriment pas toujours en mots, mais en stratégies : perfectionnisme rigide, suradaptation permanente, retrait affectif, fatigue émotionnelle chronique.
Ces blessures, accumulées au fil du temps, peuvent aboutir à une perte de confiance profonde, une difficulté à se sentir légitime, aimé ou simplement “à la bonne place”. Mais ce n’est pas une fatalité. Comprendre, reconnaître, puis reconstruire — c’est un chemin possible.
Reconnaître la blessure de rejet pour ce qu’elle est
La première étape n’est pas d’aller mieux. C’est de voir ce qui a été blessé. De mettre des mots sur ce qui, longtemps, a été rationalisé ou minimisé : “Ce n’était pas si grave”, “Tout le monde a vécu ça”, “J’ai juste un caractère difficile”.
Non. Ce n’est pas “juste” de la sensibilité. Ce sont des mécanismes de protection mis en place face à un rejet réel — même s’il n’était pas toujours conscient ou volontaire.
Reconnaître la blessure, c’est commencer à séparer le rejet vécu de la valeur personnelle. Ce n’est pas moi qui étais “de trop”, c’est le contexte qui ne savait pas quoi faire de ce que je portais.
Identifier les héritages du faux self
Avec le temps, beaucoup d’adultes HPI ne savent plus très bien qui ils sont “vraiment”. Le faux self — ce personnage ajusté, socialement viable — a parfois pris toute la place. Ils ne savent plus ce qui est un choix libre ou une réponse à la peur.
- Ai-je choisi ce métier ou ai-je cherché à ne pas déranger ?
- Est-ce que je parle comme moi ou comme je crois qu’il faut parler ?
- Est-ce que je me connecte ou est-ce que je gère ?
Revenir à soi, c’est réapprendre à s’écouter sans filtre social, à se reconnecter à ce qui a été anesthésié : les envies, les émotions brutes, les désirs profonds.
Réinvestir sa différence sans s’exposer

Reconstruire l’estime de soi ne passe pas forcément par une affirmation frontale. Il ne s’agit pas de tout dire, tout montrer, tout assumer tout de suite. Il s’agit d’identifier des contextes où la différence est soutenue, pas seulement tolérée.
Cela peut passer par :
- des espaces de pensée où la complexité est bienvenue,
- des relations basées sur la réciprocité,
- des environnements professionnels plus souples,
- des cercles d’échange entre pairs,
- un travail intérieur qui remet la légitimité au centre.
Le rejet ne disparaît pas. Mais on peut cesser de l’attendre à chaque pas. Et on peut choisir où on ne veut plus le subir.
Panser, ce n’est pas réparer. C’est intégrer.
Panser une blessure, ce n’est pas faire comme si elle n’avait jamais existé. C’est lui faire une place juste. La regarder sans honte. L’écouter sans s’y noyer. Et décider de vivre avec, sans lui laisser le gouvernail.
Certains adultes HPI portent encore les mots qu’on leur a dits à huit ans. Ou les silences qu’ils ont reçus à seize. Ou le décalage qu’ils ont ressenti à trente.
Le chemin vers soi n’efface pas ces traces. Il leur donne un autre sens.
À suivre…
Dans le dernier article de cette série, nous explorons un autre possible : celui de la résilience. Comment, à partir de cette marginalité vécue, certaines personnes HPI transforment leur blessure en force d’action, en boussole de vie.